Pages
Adsense

François GOMEZ (Tarbes) : « Nos fondamentaux sont meilleurs qu’il y a 20 ans »

Share Button

Comme d’habitude, le technicien du TGB s’est livré sans détour © TGB Basket

 

Quelques semaines après la fin de saison de son équipe de Tarbes dans le contexte que l’on connait, nous sommes à la rencontre de François GOMEZ. Le technicien nordiste, bigourdan d’adoption, s’est livré sans concession. Nous l’en remercions très sincèrement !

 

Préalable : François, lorsque nous étions convenus de cet entretien, nous avions l’idée de te poser peu de questions sur ta situation personnelle, car les lecteurs de Postup.fr qui sont des hyper-spécialistes du Basket Féminin puisque notre site n’est consacré qu’à cela, voulaient surtout bénéficier de tes connaissances et de ton expérience du Basket féminin français et à l’international. Mais nous avons appris que tu avais été durement touché par la COVID et même hospitalisé.

Donc notre première question sera : Comment vas-tu aujourd’hui et est-ce que ce douloureux épisode change quelque chose à tes plans pour ton avenir au TGB et ailleurs ?

C’est sympa de prendre des nouvelles de ma santé. Un témoignage d’amitié qui vient s’ajouter aux très nombreux messages de soutien que j’ai reçu. J’en profite pour remercier ma femme, mes enfants, ma famille, mes amis, mes collègues, un bon nombre de joueuses, mes dirigeants, nos partenaires mais aussi des fans de basket que je ne connaissais pas. Merci à vous tous.

Ces soutiens m’ont accompagné tout au long de cette période anxiogène dont je sors fatigué mais soulagé. Je pense à celles et ceux qui n’ont pas eu cette chance et qui laissent les leurs dans l’incompréhension et la tristesse. J’ai une pensée émue pour la famille de mon ami Stan qui n’a pas eu la chance que j’ai eue.

Ça n’arrive pas qu’aux autres. Restez vigilant et prenez soin de vous.

 

On voit que la COVID continue de sévir et touche particulièrement le milieu sportif. L’on parle beaucoup de protocole sanitaire dans les entreprises, les commerces, à l’école… mais rien sur le milieu sportif. De même faudrait-il vacciner rapidement tous les professionnels ?

Je laisse aux professionnels de la santé, à nos gouvernants et aux dirigeants du monde sportif la responsabilité des choix qui sont ou seront faits. Je crois qu’il est de la responsabilité de chacun de décider ce qu’il y a de mieux à faire, pour soi-même et pour l’entourage. Me concernant, je vais profiter pendant quelques mois des anticorps que j’ai fabriqué puis je me ferai vacciner.

 

Mais revenons au Basket en temps « normal », nos lecteurs sont impatients de confronter leurs impressions de la tribune ou devant leur écran avec quelqu’un qui, sur le terrain, doit résoudre les problèmes. Et comme nous savons que tu as un franc parler, nous sommes d’une impatience absolue. On va enfin connaître la Vérité.

Seule question technique à l’expert que tu es : Il est parfois reproché aux entraineurs français de privilégier la recherche de l’Intérieure sous le panneau adverse à l’adresse à mi-distance ou d’avoir des systèmes de jeu trop traditionnels. Qu’en penses-tu ? 

Si le basket français s’est longtemps cherché une identité, je crois qu’aujourd’hui nous sommes en capacité de mieux définir notre jeu. Beaucoup d’entre nous trouvaient leur inspiration dans le basket américain quand d’autres affichaient leur goût pour le basket slave ou espagnol.

Au fil du temps, les fondements du basket français se sont installés et il est devenu plus facile de parler d’un style à la française.

Pour tenter de répondre à votre question, les techniciens français ont longtemps constaté une véritable carence dans le secteur du tir. Quelques décennies plus tard, force est de constater que nous n’avons plus rien à envier à nos adversaires européens et autres. Je vous invite à comparer les statistiques des différentes nations qui ont participé aux derniers championnats d’Europe féminins. On n’est vraiment pas mal !

On n’échappe cependant pas à l’héritage de nos anciens, et c’est tant mieux. De Paul Besson à Valérie Garnier en passant par l’emblématique Alain Jardel puis Jacques Commères et Pierre Vincent, tous ont pu bénéficier d’un jeu intérieur solide et efficace. Sandrine Gruda et Helena Ciak sont les dignes héritières d’Isabelle Fijalkowski, d’Isabelle Yacoubou, de Loeticia Moussard et de tant d’autres. Le flambeau sera vite repris par Iliana Rupert, Alexia Chartereau ou encore Aby Gaye et Ana Tadic. Comment se passer de cette force de frappe et ne pas construire notre basket avec l’idée de dominer les espaces proches du cercle ?

Ce choix n’est évidemment pas exclusif. Référons-nous au TQO qui s’est déroulé il y a quelques mois à Bourges. Notre équipe nationale a sérieusement dominé ses adversaires et parmi ceux-ci, les « Aussies », une des nations les plus performante de la planète. On a pu apprécier une magnifique gestion dans l’alternance entre tirs extérieurs en première intention et volonté d’amener le ballon à l’intérieur.

La tendance est de donner aux joueuses extérieures plus de liberté et d’initiative tout en valorisant la force de frappe de nos joueuses intérieures. Je crois savoir que ce n’est pas pour déplaire aux premières concernées mais aussi aux aficionados du basket féminin.

Concernant les formes de jeu, je constate qu’elles sont de plus en plus universelles. Si parfois, on peut se plaindre d’un manque de créativité (les responsables vidéo des équipes pros peuvent en témoigner), elles ont cependant l’avantage de proposer des situations de tir favorables, de réduire le nombre de pertes de balle et d’offrir un jeu dans lequel les joueuses se partagent le ballon. Les demies finales et la finale du championnat de France qui se sont déroulées à Bourges le week-end dernier en est un parfait exemple.

 

Toi qui as une expérience de l’étranger, comment situes-tu le Basket féminin français dans le Monde tant au niveau de l’équipe nationale qu’à celui des clubs ? Que faudrait-il pour que cela s’améliore ? La Vice- Présidente de la Ligue estimait récemment chez notre confrère  Sud-Ouest qu’« On était une Ligue innovante il y a 20 ans, mais depuis on s’est un peu endormi sur cet héritage. La question est qu’est-ce qu’on fait pour que le basket féminin reste attractif et pérenne économiquement. Si on ne fait rien, on peut vite se retrouver en concurrence avec d’autres disciplines. »

 

On ne peut évidemment pas faire confiance aux sports collectifs concurrents qui ambitionne de nous voler la vedette. Le handball féminin par le biais de son équipe nationale l’a prouvé en obtenant de brillants résultats internationaux et en attirant de nombreux téléspectateurs. Le football féminin, derrière ses 2 clubs phare, Lyon et Paris mais aussi son équipe nationale attire de plus en plus de fans. A titre personnel, je me régale à regarder les compétitions de rugby féminin à 7.

A l’initiative des clubs (Tarbes a été le premier club à diffuser ses matches via le web), la totalité des matches de LFB ont été retransmis sur la toile. Je crois avoir lu que ce sont plus d’un million de connexions qui sont venues récompenser cette initiative. La pandémie pénalise le sport mais peut aussi être une opportunité pour initier de nouveaux projets.

On a longtemps évoqué le passage à 14 clubs en LFB pour offrir un championnat plus consistant et une économie améliorée. Je crois que nous sommes le seul sport collectif en France à ne pas le faire. 14 clubs au hand-ball et 15 au volley-ball puisque le pôle France évolue dans cette division. Les capitaines des clubs de football féminins de D1 et D2 ont publié une tribune pour contrecarrer les plans de la FFF qui menace un passage à 10 clubs quand ces mêmes clubs souhaitent passer à 14. Nos voisines italiennes et espagnoles proposent aussi une ligue professionnelle avec 14 clubs. Ca s’appelle la « French Touch ». Notre championnat est de bonne qualité et les arrivées de clubs comme Toulouse, Mondeville, Chalons-Reims ou encore Nantes ne modifieraient en rien le niveau de jeu de la LFB. L’ensemble des dirigeants de LFB et de Ligue 2 en sont convaincu. Le bon sens et le bien-fondé de cette idée finiront par convaincre les plus réticents.

Évoquons le niveau de jeu de la LFB. Certains estiment que c’est le championnat le plus relevé d’Europe. Je me permettrais de mettre un bémol. Il y a bien longtemps que nos équipes de club ne rivalisent plus avec les meilleures équipes européennes. Les plus anciens se souviennent des équipes de Bourges et Valenciennes qui étaient sur le toit de l’Europe. A quand le prochain trophée européen pour un de nos clubs français ? Nous nous satisfaisons depuis de nombreuses saisons d’une participation au Final 4 de l’Euroligue ou encore d’un titre en Eurocoupe glané de temps à autre. Force est de constater que sur la scène européenne, nous n’impressionnons plus grand monde.

Si l’on se réfère à nos voisins latins, la finale de l’Eurocoupe 2020-2021 a été remportée par une équipe espagnole face à une équipe italienne. Et la finale de l’Euroligue a opposé une équipe russe (toujours la même) à une autre équipe ibère. S’il faut reconnaitre à notre championnat une plus grande homogénéité que chez nos voisins européens, on ne peut pas affirmer que nous sommes le meilleur championnat de notre continent.

Chaque pré-saison, le TGB joue plusieurs matches de préparation face à nos amis du Pays Basque espagnol. Je peux vous assurer que le niveau est identique au notre. Une équipe comme Guernica pourrait venir se glisser aisément dans le top 6 de notre championnat. Je vous laisse imaginer les résultats que pourrait avoir Schio, Venise, Ragusa, Bologne, Salamanque, Gérone et Valence s’ils évoluaient en LFB. On peut se satisfaire du spectacle produit par l’ensemble de nos équipes mais il ne faut pas glisser vers un nombrilisme excessif.

Que faut-il faire pour ne pas stagner ? Une partie de la réponse est dans le paragraphe précédent. Mais je pense qu’il nous faut une ligue forte avec des dirigeants créatifs et ambitieux. Des dirigeants qui seraient issus des clubs, bien au fait des problématiques du basket féminin. Je crois savoir que nous sommes sur cette voie et je m’en réjouis.

Il faut réfléchir à de nouveaux projets. Je fais partie de ceux qui regrette la disparition de l’Open. On a supprimé un rendez-vous sportif et médiatique de qualité mais rien de nouveau n’a été imaginé pour le remplacer. Je jalouse la LNB qui propose de nouvelles compétitions, des événements très médiatiques avec de véritables enjeux sportifs. Il faut s’en inspirer.

Je terminerai en évoquant la qualité de notre équipe nationale et des joueuses qui la composent. On ne peut que s’enorgueillir des résultats de notre sélection. Nous sommes sur pratiquement tous les podiums mondiaux et européens depuis 20 bonnes années. Quel étonnement est le nôtre quand nous n’y sommes pas. Une finale perdue est devenue une catastrophe nationale. Nous avons, au fil des années développé de la confiance et de l’ambition. Ce nouvel état d’esprit nous permet de rivaliser avec les meilleures. Je comprends la déception des fans lorsqu’une médaille d’or européenne nous échappe. Il faut reconnaitre la qualité de la concurrence car elle est un moteur pour progresser encore et encore mais il est légitime de penser pouvoir systématiquement dominer nos adversaires européens comme il est légitime d’imaginer challenger les meilleures équipes mondiales.

Je pense aux États-Unis que nous avions battu à la surprise générale lors de la préparation aux derniers championnats du Monde. Qu’est-ce qui nous sépare de cette nation dominante hormis une psychologie spécifique aux Américains ? L’histoire, la culture et l’éducation de ce peuple ont probablement favorisé le développement de ce mode de pensée. Peut-être y-a-t-il de l’inné là-dedans. Mais pas que. Pour avoir visité quelques universités américaines, je peux vous assurer que c’est un travail du quotidien que d’entretenir et de développer des comportements de « winners ».

Je sais que la FFBB se penche sur ce sujet et a désigné un de ces entraîneurs fédéraux pour mettre en place une véritable stratégie de développement des compétences mentales de nos joueuses. Ce sujet doit être au cœur des préoccupations des cadres techniques de notre pays. Nos fondamentaux sont meilleurs qu’il y a 20 ans ; nous nous sommes véritablement améliorés en termes d’adresse ; nous avons commencé un travail sur les aspects cognitifs qui permettent à nos joueuses de mieux appréhender les situations du jeu. Il faut maintenant mettre l’accent sur la compétitivité de nos joueuses. Former des joueuses au métier de basketteuse, c’est leur apprendre à gagner. Gagner des oppositions, gagner des concours, gagner des matches, gagner des titres. Prenez le temps d’interroger Sandrine Gruda sur ses aspirations. Vous comprendrez pourquoi elle est devenue la leader incontestable de notre équipe nationale.

 

L’argent est-il un problème dans le Basket Féminin Français ? Je crois que l’on demandait à une Présidente de Club : Qu’aurait-il fallu pour vous qualifier en 1/4 d’Euroligue et elle répondait 1 M€ de plus. Alors comment obtenir cet argent supplémentaire ?

          Le modèle turc avec des clubs omnisport et des fondations. A cet égard que penses-tu du rapprochement OL-ASVEL ?

          Le modèle russe type Ekaterinburg où une très grande entreprise UMMC met à disposition des moyens considérables.

          Un accroissement du Partenariat avec les entreprises qui semble aujourd’hui plafonner 

          Tout autre idée.

Je n’ai pas de réponse précise à vous donner. Bien évidemment, les budgets sont au cœur des préoccupations de nos dirigeants. Les problèmes des pauvres deviennent quelquefois des problèmes de riches. Les fortes masses salariales ont de plus fortes probabilités de construire de fortes équipes. Les clubs français ont des modèles économiques très différents et il m’est difficile de vous dire lequel offrirait plus de sérénité, de pérennité et de garantie sur la performance sportive. Mais il faut bien reconnaître, au vu des résultats de ces dernières saisons, que les plus nantis obtiennent de meilleurs résultats que les plus modestes. On peut naïvement espérer que la part de rêve que peut offrir le sport ne disparaisse pas totalement, absorbée par la finance et l’économie.

 

La médiatisation du basket féminin français te parait-elle suffisante ?   Il y a encore quelques temps, la diffusion des matchs féminin était assurée par des chaines payantes Canal+ Sport, RMC Sports qui diffusait très peu de matchs féminins. L’arrivée de l’Equipe TV, chaine de la TNT a amélioré un peu la situation non pas tellement d’un point de vue quantitatif car il n’y a pas beaucoup plus de matchs diffusés (L’équipe TV privilégie à l’évidence la Jeep Elite) mais d’un point de vue qualitatif puisqu’au moins tous les matchs diffusés peuvent être vus par ceux qui le veulent.

Aujourd’hui la diffusion du Basket féminin français, semble être cantonné à Internet- et si nous avons apprécié les efforts des clubs pour améliorer grandement les diffusions de LFBTV qui étaient à peine regardables les années précédentes et tout particulièrement les analyses et l’enthousiasme de Polina Tzekova – n’est-ce pas précipiter le téléspectateur lambda dans un ghetto ? Et d’ailleurs les clubs, après la période COVID continueront-ils de rendre regardable la diffusion par LFBTV

C’est sympa de rendre hommage aux commentaires de Polina. Commenter est un exercice difficile et l’exigence de celles et ceux qui écoutent est parfois très élevée. L’internaute oublie parfois que ce sont des bénévoles qui donnent le meilleur d’eux même qui sont au micro. On peut regretter ne pas tous avoir un David Cosette ou un Jacques Monclar aux manettes mais on ne peut pas le reprocher.

La poursuite de ces diffusions financées par les clubs est souhaitable mais elle a un coût. Il faut mettre les dirigeants des clubs et de la FFBB autour d’une table pour trouver les moyens de financer ces retransmissions. Leur maintien me semble essentiel parce qu’il répond à une véritable attente mais surtout, on ne peut que constater le franc succès obtenu. J’ai de plus la conviction que ça ne nuirait pas au retour des spectateurs dans les salles.

La diffusion régulière de matches de basket féminin sur une chaîne de TV ne semble pas d’actualité. Nous ne sommes pas les seuls à être confrontés à ce manque de visibilité. Il y a à convaincre les décideurs que le sport féminin vaut le coup d’être accompagné, soutenu et valorisé. C’est un travail du quotidien.

Sans vouloir fustiger nos médias locaux qui font probablement de leur mieux pour soutenir le TGB (j’ai abandonné mon franc-parler l’espace d’un court instant), on s’est autorisé à faire une analyse statistique comparative entre le TGB et le TPR, l’équipe locale de rugby qui évolue au troisième niveau national. Sans rentrer dans les détails, 41 « UNE » du journal local pour le TPR ; 19 pour le TGB. On s’est pris une belle volée avec plus de 20 points d’écart. Encore une fois, les acteurs du basket féminin doivent convaincre, sur le plan local comme sur le plan national que nous sommes un bon produit et qu’il doit être soutenu.

 

Ne faudrait-il pas mieux que la Ministre des Sports impose sur les chaines de la TNT (France Télévision, L’Equipe TV) la discrimination positive pour le Basket féminin dans les médias ? alors que l’on rappelle les chiffres au niveau des licenciés environ 1/3, 2/3 : en 2019 respectivement 180812 femmes/339542 hommes ; en 2020 147660 femmes/273823 hommes.

Avec tout le respect que j’ai pour la Ministre, je ne sais pas si on a encore un Ministère des Sports. Concernant les chaînes de TV, je pense qu’elles ne fonctionnent qu’en termes de rentabilité. A nous de prouver que le produit est bon, qu’il augmente l’audimat et peut attirer les publicistes.

 

Alors parlons des Joueuses : Participes-tu au recrutement futur du TGB ? Et de façon plus générale comment les entraineurs peuvent t’ils y participer ? ont-ils leur mot à dire sous contrainte financière ? Dans ton cas l’on voit bien que c’est toi qui as fait venir Regan MAGARITY et Louice HALVARSSON ? Mais comment as-tu fait pour Jamie Scott ? Le couple WADE au BLMA avait sa filière américaine, mais tout cela ne relève t- il pas de circonstances ou de rencontres avec des agents qui vantent « leur produit » ? Ne faudrait-il pas mieux avoir une Draft ?

Je crois qu’on ne changera pas de sitôt le système actuel. Toutes les joueuses à part de rares exceptions ont un agent. L’époque où les coaches prenaient leur voiture, faisaient des dizaines voire des milliers de kilomètres pour rencontrer une joueuse et lui faire signer un contrat est révolu. Les agents se sont installés dans le paysage du sport. Comme dans toutes les professions, il y a les bons et les moins bons, les professionnels et quelques charlatans (ils sont devenus très rares). Certains diraient que c’est un mal nécessaire. Je suis de ceux qui pensent que ces intermédiaires apportent beaucoup de confort aux joueuses et aux entraineurs en leur évitant les contacts directs avec les employeurs qui, comme les agents peuvent être bons ou moins bons.

Pour ne parler que de ce que je connais, le fonctionnement est très clair au TGB. Les dirigeants arrêtent une ligne budgétaire concernant la masse salariale de l’équipe et ce sont les techniciens qui font leur choix. Je crois savoir que ce n’est pas le cas partout. Je peux aussi dire que ça n’a pas toujours été le cas dans mon club mais que les choses ont bien changées depuis mon retour il y a 6 saisons. Quand je parle des techniciens, il s’agit pour la saison prochaine du coach, de son assistant et du directeur sportif. Tous les 3 sont force de proposition et peuvent ne pas être d’accord. Les arguments du coach prennent une place prépondérante dans le choix final.

Le recrutement est d’abord défini sur la stratégie sportive du club. Vous aurez remarqué que notre club a créé son identité autour de la mise en lumière de jeunes talents. Bon nombre de jeunes joueuses ont débuté leur carrière professionnelle au TGB. Cette identité est le fruit d’une culture qui date de plusieurs décennies. Céline Dumerc, Isabelle Yacoubou, Florence Lepron, Cathy Melain, Emilie Gomis, Marion Laborde pour ne citer qu’elles ont fait leurs débuts au TGB. Plus récemment, ce sont Marie Pardon, Serena Kessler, Tima Pouye, Marine Fauthoux qui ont fait leurs premiers pas en LFB sous les couleurs de notre club.

Nous sommes engagés à 200% dans cette voie et nous pensons que c’est la meilleure dans le contexte économique et sportif qui est le nôtre. Si demain, notre budget était à la hauteur des plus riches, je pense que nous garderions ce cap.

Concernant les joueuses étrangères, c’est un savant mélange entre réseaux et travail avec les agents. La réputation d’un club, de son encadrement et de son état d’esprit se diffuse aussi vite qu’un post sur Facebook. Quand une joueuse étrangère se renseigne sur le TGB, elle comprend très vite qu’elle ne va pas changer de voiture dans l’année mais qu’elle investit pour capitaliser plus tard. Elle sait qu’elle va travailler dans un bon état d’esprit et être partie prenante du projet sportif de l’équipe.

Puisque tu évoques les noms de Regan et de Jamie, la première m’avait sollicité la saison précédente pour rejoindre Tarbes et il m’a fallu à peu près 2 secondes et demie pour lui faire une réponse et vous connaissez laquelle. Vous savez aussi que je l’avais coachée lorsque j’étais à la tête de la sélection suédoise. Quant à Jamie, je l’avais repérée quand elle jouait en Espagne dans la même équipe qu’Alex Prince (à l’Université de Ferrol, ndlr) que nous avions signée à l’époque. Quand on me l’a proposée, je n’ai pas hésité longtemps tant elle m’avait déjà plu quelques saisons plus tôt. Il m’a suffi de passer quelques coups de téléphone pour connaître la psychologie de la personne et l’affaire était dans le sac.

Il faut humblement reconnaître qu’on se trompe parfois.

 

Terminons par l’Avenir : La Formation

Sachant que nous n’aurons jamais le système américain et la formation des Universités, que penses-tu du système français ? L’INSEP joue t’il toujours son rôle ? Que faudrait-il faire ?

En France, on a l’impression qu’on découvre les talents à l’unité : Céline DUMERC dans les années 2000, depuis Marine Johannes, Alexia CHARTEREAU dans les années 2010.. Tout cela semble insuffisant. Des Clubs comme le BLMA ont clairement fait le choix de l’étranger !

Je ne vais pas cracher dans la soupe. J’ai travaillé au cœur du système de formation français pendant plus d’une décennie. Tout d’abord en qualité de Conseiller Technique puis en tant qu’Entraîneur National. Il est vrai que j’ai souhaité quitter mon poste au Pôle France pour des divergences de fond avec le patron de la Direction Technique de l’époque. Je n’étais plus en phase avec la politique menée par le DTN. J’ai pourtant passé d’excellentes années dans cette structure et je suis heureux d’avoir pu accompagner les joueuses que j’ai eu à entraîner dans leur parcours personnel et sportif. Certaines ont atteint le plus haut niveau quand d’autres avaient déjà atteint leur plus haut niveau. Au-delà de l’aspect sportif, les relations créées avec ces joueuses est la véritable reconnaissance que j’ai aujourd’hui du travail effectué à l’époque.

Je ne cracherai pas dans la soupe parce que mon club bénéficie largement de la formation organisée par la DTN. Nombre des joueuses passées par le TGB sont passées par le Pôle France. La relation de confiance instaurée avec Yan Barbich basée sur le parcours post Pôle France des joueuses que nous accueillons y a contribué.

Le Pôle France offre la garantie d’un suivi sportif, scolaire, personnel et dans d’autres secteurs de la performance que les centres de formation des clubs féminins ne sont pas encore en mesure de proposer. C’est là une grande différence avec le secteur masculin. Les centres de formation de Jeep Elite ont élargi l’offre faite aux jeunes joueurs qui ambitionnent de faire du haut niveau. Hormis quelques internationales parmi lesquelles on peut citer Marine Johannès, Helena Ciak ou encore Sarah Michel, peu d’entre elles ne sont pas passées par le Pôle France. Il est par conséquent difficile de distinguer les résultats obtenus par notre équipe nationale du travail de formation mis en place par la DTN.

Je vais en partie jouer mon joker et ne pas répondre à la question : « que faudrait-il faire ? ». Je regrette simplement le manque de communication entre les entraîneurs du secteur professionnel et ceux de la DTN. On a quelquefois l’impression que le Pôle France existe dans l’unique but de préparer les compétitions internationales « Jeunes », en occultant l’avenir professionnel de jeunes joueuses qui, après trois années passées à Vincennes vont intégrer un tout autre monde, celui de la LFB. Il serait judicieux d’inviter quelques entraîneurs de LFB aux réunions stratégiques organisés par les entraîneurs nationaux responsables de la formation. Je pense que le regard de coaches pros sur les points forts et les points à améliorer chez les joueuses sortantes du Pôle France serait bénéfique à leur formation.

 

Tu as bien connu pour les avoir coachées : Marine FAUTHOUX, Marie PARDON… Penses-tu les retrouver en finale des JO à Paris en 2024 ?

Le chemin qui mène jusqu’au JO de Paris est long et sera semé d’embuches. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Marie et Marine le savent. Ce sont deux bosseuses qui se sont fixé des objectifs élevés. Il y a aussi la concurrence sur ce poste de jeu. La sélection est impitoyable et elle dépend aussi des choix d’un coach et de son staff. Dans tous les cas, ces deux jeunes joueuses sont devenues très rapidement des meneuses de jeu à part entière de notre championnat et elles auront des arguments à faire valoir à l’avenir.

 

Q9 : Y a-t-il d’autres sujets concernant le Basket Féminin que tu aurais aimé aborder ?

Je crois qu’on a dit pas mal de choses. On pourrait passer la nuit à échanger sur le basket féminin. On peut souhaiter une bonne préparation à l’équipe de France et un excellent championnat d’Europe. On peut logiquement imaginer une finale entre l’Espagne et la France à Valence et rêver d’une victoire des tricolores en terre hispanique.

Merci à Postup pour son grand professionnalisme et la qualité de son travail.

Au plaisir de se croiser sur les terrains !

 

 

 

4 commentaires

  1. Intervention tres dense pleine de réflexions strategiques et parfaitement argumentées. La qualité de l intervenant n est plus a commenter tant il est de grande qualité humaine sportive avec une intelligence et une hauteur de vue qui force le respect et l admiration. J ai aussi appris beaucoup de choses……merci pour ce reportage

  2. Merci à notre François Gomez(lski) national pour ce long échange….

  3. respect et admiration a ce grand monsieur

  4. C’est un grand monsieur. Avec des valeurs sûres, un très bon entraineur, tout mon respect et mon admiration

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Adsense