Frédéric DUSART (Braine) : « Je suis partisan d’une reprise des entrainements en novembre si la situation le permet »

Frédéric DUSART et ses joueuses ne savent pas de quoi l’avenir sera fait © Paul THYSSENS

Privé de toute compétition depuis de longues semaines, Frédéric DUSART, le coach de Braine, a accepté de répondre à nos questions pour faire un état des lieux de la situation du championnat belge. Nous l’en remercions très chaleureusement.

Avant tout, comment vas-tu et comment vont tes joueuses en cette période si particulière ?

Je vais bien ainsi que ma famille. Les filles vont bien aussi et ont, jusque-là échappé au virus, malgré une jeune positive il y a 5 semaines. La situation sanitaire en Belgique est une des pires d’Europe en termes de personnes positives rapportées à la population. Le pays est fort impacté. Les joueuses belges continuent à s’entraîner à la carte quand elles le souhaitent, notamment pour préparer l’équipe nationale. Les étrangères sont reparties le week-end dernier : Erika DE SOUZA au Brésil, Melisa BRCANINOVIC en Bosnie, Brittany STARLING aux USA, Kate KRESLINA en Lettonie. Migna TOURE, elle, fait des allers-retours pour préparer le regroupement 3×3. Kayla ALEXANDER, bien qu’elle ait terminé fin Septembre la WNBA, n’était pas encore arrivée, à cause d’un souci de visa.

En championnat belge, vous n’avez pas joué depuis près de 3 semaines. Peux-tu nous expliquer la situation chez nos voisins d’outre-Quiévrain ?

Nous avons joué notre dernier match le 10 octobre. Ensuite, les gouvernements flamand puis wallon ont décidé de stopper les sports de salle avec contact. Face à cette directive, le championnat a été suspendu le 14 octobre pour deux semaines. Nous avons été placés en chômage partiel, mais avons continué les entraînements de manière optionnelle sans contact en espérant une reprise rapide. Toutes les filles ont donc été présentes au départ alors qu’elles n’en étaient pas obligées. Elles pensaient rejouer la semaine suivante.

Une semaine plus tard, les nouvelles se sont accélérées puisqu’on nous a avertis de la possibilité de recommencer avec un protocole de tests bi-hebdomadaires mais aussi une mise aux normes sanitaires des installations. Des réunions entre clubs ont eu lieu, mais alors que l’on pensait reprendre pour le match du 31 octobre, cela a duré et dure encore.

Une énième information venant du gouvernement wallon nous a carrément interdits ensuite de nous entraîner ! Mais pas en Flandres… Certaines filles commençaient à se lasser de l’impossibilité de s’entraîner avec opposition et, ayant le droit de partir puisqu’étant au chômage, elles ont décidé de rentrer dans leur pays. Puis, nous avons été avertis cette semaine que les sportifs professionnels pouvaient, finalement, reprendre le contact et exercer leur métier sans restriction. Cependant, le club, faute de matches, prolonge le chômage partiel et cela ôte l’assurance en cas de blessure : nous en revenons donc au même point… Après l’interdiction gouvernementale de pratiquer avec contact, c’est désormais le chômage partiel qui pose souci : les filles ont droit de s’entraîner avec contact mais pas de se blesser, faute d’assurance employeur.

Actuellement, certaines Belges continuent donc à s’entraîner à la carte, quand elles le souhaitent mais sans contact, avec en ligne de mire l’équipe nationale.

Est-ce qu’on vous a donné une éventuelle date de reprise ou vous êtes dans le flou ?

On nous a dit le 21 novembre, puis le 28 novembre. Certains clubs communiquent sur une reprise des matches début décembre. Bref, nous avons peu de visibilité et cela dépendra de la mise en place du protocole validé par le Ministère. Pour les entraînements classiques, cela fait 3 semaines que nous nous entraînons sans contact et le retour du contact sera dépendant de la fin du chômage partiel et notamment du retour d’une assurance couvrant les joueuses en cas de blessure.

Il est certain que suite à quasiment un mois d’arrêt des contacts, il faudra autant de temps pour se repréparer, reformer un collectif (une seule joueuse conservée à l’intersaison) et surtout respecter l’intégrité physique des joueuses.

Les étrangères devraient revenir le 5 novembre. On ne sait pas encore si elles devront respecter 10 jours de quarantaine ou pas. A titre personnel, même si on souhaite tous rejouer vite, rejouer avant mi-décembre me semble prématuré. Reprendre le 15 novembre le collectif et le contact, après cinq ou six semaines de break, peut être dangereux et frustrant. Mais jouer mi-décembre pour un ou deux matches avant la trêve de Noël en vaut-il le coup ? D’autant plus que pour l’instant, le public est interdit en Belgique.

Personnellement, je suis partisan d’une reprise des entrainements en novembre si la situation le permet : cela correspondrait à une deuxième pré-saison où il faut quasiment tout reprendre à zéro : le travail physique, le collectif, l’intégration de Kayla… Ensuite, j’utiliserai décembre pour jouer en amical sans public face à des équipes belges et attendrais janvier 2021 pour rejouer en officiel et aussi en Eurocoupe, espérons-le, devant public ! Il faudrait de toute façon adapter le championnat et annuler les play offs : quid d’un cas ou deux de COVID nécessitant une semaine de quarantaine pendant des play offs, avec aucune marge temporelle de report de match ? Cela ne reste que mon avis.

Le championnat belge étant semi-professionnel, penses-tu que son avenir soit menacé ?

Cette crise sanitaire, même si elle est à première vue nocive pour les clubs de D1 belges, peut, dans le même temps, être une occasion renforcer le professionnalisme et l’organisation de la Ligue. La Belgique dispose de beaucoup d’étrangères (pas de quota d’Européennes) et nous pensons que 8 à 9 clubs sur les 12 investiront financièrement dans le protocole couteux et lourd qui est en train de se mettre en place. L’avenir ne semble pas menacé mais il devra être adapté. N’oublions pas que Malines et Namur ont des tours préliminaires d’Eurocoupe dans quelques semaines ! Comment se préparent-t-ils ? A partir du moment où il y aura des tests, l’équipe qui sera la moins touchée par le virus pourra travailler mieux et disposer de ses joueuses à tous les matches. Par conséquent, cette saison restera spéciale et peut être non révélatrice.

Sur le plan sportif, même si vous n’avez pu disputer que 2 matches de Division 1 et, avant cela, la finale de la coupe de la saison dernière, quel bilan fais-tu de votre début de saison ?

Nous avons commencé tard (le 1er septembre) avec une seule joueuse conservée. En termes de construction collective, pour le staff, cela a été beaucoup de phases de tâtonnements, d’essais-erreurs, et une course contre la montre. Nous avons, malgré tout, gagné la finale de la coupe de Belgique, sans faire un match flamboyant. Ensuite, nous sommes montés clairement en régime. Certaines filles commençaient à adhérer au projet, à trouver leur rôle, toujours sans Kayla. Avec ce « reset » en intersaison de l’effectif, j’ai toujours dit que cette équipe nécessitait 2 mois et demi de vie commune pour avoir un niveau de cohésion défensive et offensive intéressant.

La suspension de la saison est plus qu’un coup arrêt car il ne faut pas croire qu’on retrouvera en deux jours le niveau de cohésion atteint le 10 octobre. L’équilibre et le niveau que l’on a atteint en 6 semaines ne se retrouvera pas d’un claquement doigts. Il faudra du temps. Si nous reprenons début novembre, avec Kayla, nous serons à peine prêts pour janvier et l’Eurocoupe, d’autant plus que la Belgique est la seule ligue ayant des équipes en Eurocoupe (5 équipes) qui est à l’arrêt. Il y a ici une forme d’iniquité. A cet instant, nos adversaires des autres pays continuent à progresser, à jouer, à s’entraîner avec contact et ont pour l’instant 5-6 semaines d’avance sur nous en termes de collectif et de rythme… et même si, généralement ces 5-6 semaines de retard sur nos adversaires sont quasiment irrattrapables, nous ferons au mieux pour relever ce challenge. Nous n’avons pas le choix. S’il y a un objectif à se mettre dans la tête pour mes joueuses dès que le contact reprendra, c’est bien celui-ci !