Pages
Adsense

Yann JULIEN (France 3×3) : « Le 3×3 et le 5×5 peuvent totalement cohabiter »

Share Button

 

Tandis que la prochaine étape des Women’s Series dans laquelle l’équipe de France 3×3 est engagée se déroulera à Orléans du 23 au 24 juin, Yann JULIEN, l’entraîneur des Bleues, a accepté de répondre à nos questions. Nous l’en remercions chaleureusement !

 

Il y a une 10 jours, l’équipe de France a échoué à conserver son titre mondial. Penses-tu que les joueuses ont digéré cette défaite ?

Non, je pense qu’on n’a pas digéré cette défaite. On l’accepte parce que les Etats-Unis ont été plus forts que nous sur ce match. On ne digère jamais une défaite sur une finale de coupe du monde. Par contre, on peut la dépasser et chercher encore à progresser parce qu’on ne fait pas le match qu’on aurait voulu faire contre les Américaines. Maintenant, il faut apprendre de ce genre d’expérience pour pouvoir continuer à grandir.

 

D’après toi, qu’est-ce qu’il a manqué pour que la France soit de nouveau championne du monde ?

Il ne manque pas grand-chose mais on a eu une préparation qui était forcément serrée, on était coincés entre la fin de saison de Ligue Féminine et le début de cette coupe du monde donc c’est peu d’entrainements pour pouvoir essayer de switcher rapidement du 5×5 au 3×3 et de continuer à évoluer dans le projet collectif. Malgré tout, je pense qu’on avait les armes pour pouvoir battre ces Américaines et on a pris le match par le mauvais bout en ne répondant pas avec les bonnes armes à l’agressivité que nous ont proposé les Américaines. Ceci étant dit, c’est toujours source de progrès que de vivre ce type d’événement-là. On se posera avec l’intégralité du staff et des joueuses pour pouvoir dresser les futures pistes de développement pour le groupe France.

 

L’une des particularités du 3×3, c’est que les compétitions s’enchaînent vite. Ce week-end, les Bleues ont donc remporté l’étape de Clermont-Ferrand des Women’s Series. Peux-tu nous expliquer les raisons pour lesquelles l’effectif a été modifié par rapport à celui du Mondial ?

C’était quelque chose qui était prévu. Aujourd’hui, on ne veut pas faire n’importe quoi avec les joueuses, notamment sur l’aspect physique. On cherche donc aussi à les faire récupérer, c’est pour ça qu’on a organisé des rotations. Ensuite, on est convaincus que le groupe France a un effectif qui est profond, qui est large et de grande qualité. Ca nous permet de faire ces rotations et de spécialiser plus de joueuses que simplement 4 et d’avoir un réservoir plein de joueuses à disposition pour l’équipe de France et d’un très grand niveau. Il était donc impératif pour nous d’organiser des rotations pour pouvoir faire souffler certaines joueuses et en faire participer d’autres sur cette étape de la Women’s Series.

 

A titre personnel, cela fait quelques années que tu te consacres intégralement au 3×3. Qu’est-ce qui te plait dans cette discipline ?

Tout me plait dans cette discipline ! Que ce soit le jeu, les aspects techniques, tactiques, stratégiques où il faut sans cesse innover. La culture qui va avec le 3×3 et puis j’ai aussi cette passion pour le management et l’accompagnement à la fois des joueuses et du staff où, là aussi, il faut faire preuve d’innovation pour pouvoir performer. C’est quelque chose que je trouve hyper important. Il faut aussi savoir faire émerger le meilleur chez chacun pour le collectif. C’est vrai que, de par les règles, on est obligé de se réinventer en permanence là-dedans. C’est ce côté frais, la nouveauté, qui me plait énormément dans le 3×3.

 

D’un point de vue très tactique, est-ce une volonté des coaches de ne mettre que rarement en place certains aspects du 5×5 comme le pick and roll ? Sinon, comment l’expliques-tu ?

Chez nous, le pick and roll c’est un peu particulier parce qu’on n’est pas une équipe qui en joue beaucoup. Malgré tout, c’est quelque chose qui peut évoluer dans le futur. Ca tient surtout au profil de l’équipe mais il y en a d’autres qui en usent et même qui en abusent. Après, le 3×3 a sa configuration particulière et c’est vrai que les aspects tactiques, plus ça avance et plus ils diffèrent du 5×5. Le nombre de joueurs sur le terrain diffère donc forcément les espaces aussi et même si, parfois, on va piocher des choses dans le 5×5, aujourd’hui on est condamnés à innover dans le 3×3 pour trouver les solutions les plus adaptées à notre discipline. Tactiquement, il faut sans arrêt se creuser la tête avec le staff pour pouvoir trouver ces solutions les plus adaptées à l’équipe et à la discipline du 3×3. C’est donc complètement différent du 5×5 et plus le temps passe et plus c’est vrai.

 

D’autre part, on sait que dans le 3×3, le coach n’est pas au bord du terrain. Du coup, qui décide de demander un temps-mort ou un changement ?

Ce sont tout simplement les joueuses et plus particulièrement la leader « technique » de l’équipe qui peut effectivement demander le temps-mort. Notre rôle en tant que coach, c’est d’accompagner ces prises de décision des joueuses. Bien sûr pas en « live » mais à l’entraînement, avant et après les matches. On travaille pour ça, pour que les joueuses puissent elles-mêmes prendre les meilleures décisions possibles pendant le match et ça, ça s’entraîne. C’est tout le rôle d’accompagnement qu’on peut avoir avec le staff technique. Quant aux changements, on décide effectivement des rotations ensemble en fonction du plan de match et en fonction aussi de la connaissance des joueuses. Généralement, on essaie de garder une rotation de chaque joueuse pendant disons les 4/5 du match de façon à conserver de la fraîcheur et les derniers changements peuvent être plus tactiques.

 

Y a-t-il un entrainement spécifique au 3×3 quand on prépare une grande compétition ?

Oui bien sûr les entrainements en 3×3 sont très spécifiques. Ce qu’on cherche à faire, nous, en équipe de France, c’est d’abord à mettre en valeur nos qualités collectives et individuelles. On bosse tactiquement pour ça, énormément. Après, on essaie d’innover en allant chercher des choses qui, pour nous, peuvent être un avantage de performance dans le futur. On travaille beaucoup sur la vision, la lecture et l’optimisation physique des joueuses pour qu’elles arrivent au top pour la compétition.

 

Quelles sont les qualités qu’une joueuse doit avoir à tes yeux pour être sélectionnée ?

Il y a d’abord des aspects techniques : une grande polyvalence. On cherche des joueuses cette capacité offensive à porter la balle dans la raquette, à pouvoir aussi tirer à longue distance, à être des joueuses bonnes dans le jeu de passes. Défensivement, on retrouve aussi en miroir des qualités : tenir les duels, pouvoir collaborer avec ses coéquipières sur le jeu d’écran défensivement. Après, mentalement, il faut effectivement être passionné par la discipline, avoir un niveau de détermination et d’abnégation à l’effort assez important. Je conclurai aussi sur l’aspect physique : il faut avoir une grosse capacité à enchaîner avec beaucoup de vitesse des efforts de très très haute intensité. Ce sont des qualités qui sont indispensables dans le 3×3 pour être sélectionnée. Ensuite, la sélection n’est pas qu’individuelle mais elle est aussi collective : il faut essayer de faire en sorte que les joueuses soient les plus complémentaires possible en équipe de France pour pouvoir présenter la meilleure équipe.

 

Malgré l’essor du 3×3 ces dernières années en France, il y a encore des récalcitrants ou des puristes du 5×5. Qu’aimerais-tu leur dire pour les convaincre notamment que les deux peuvent cohabiter ?

Sincèrement, je ne cherche pas à les convaincre. Je pense que chacun est totalement libre d’aimer ou pas le 3×3. Moi, je sais que je reste un fan de 5×5. C’est une discipline que j’adore tout comme j’adore le 3×3. Pour avoir pratiqué les deux, aujourd’hui je sais très bien que le 3×3 peut être un booster de progression pour les joueuses et les joueurs qui passent par le 3×3. Il y a encore quelques années, on nous prétendait que c’était faux et aujourd’hui, plus personne n’ose dire ça parce qu’on a pu voir les résultats chez les joueuses et les joueurs. Ca les a fait grandement progresser. Donc bien sûr que le 3×3 et le 5×5 peuvent totalement cohabiter et on peut même avoir, à terme, des joueuses et des joueuses qui ne feront que du 3×3. C’est fantastique pour une fédération de pouvoir proposer 2 disciplines. Il y a peu de sports qui ont cette capacité-là alors que nous, on peut proposer du 5×5 pour les gens qui ne sont que fan du 5×5 et on peut proposer du 3×3 pour les gens qui ne sont que fan du 3×3. On peut même proposer les deux pour certains et je trouve ça absolument fantastique.

 

Il y a quelques jours, même si le bruit courrait depuis un moment, la FFBB a annoncé que 8 joueuses allaient faire partir d’un groupe de travail jusqu’en juin 2024 pour bien préparer les J. O. de Paris. Cette décision a fait beaucoup de mécontents au sein des clubs concernés mais aussi chez les fans. Que pourrais-tu leur dire pour tenter de les « rassurer » ou d’apaiser les tensions ?

Tout d’abord, je comprends que ça puisse faire des mécontents. C’est un choix très fort de la Fédération mais c’est aussi une opportunité unique. Les Jeux à Paris, ça n’arrive qu’une fois par siècle (les derniers J. O. à Paris datent en effet de 1924, ndlr) et si on ne met pas toutes les chances de son côté, on peut passer à côté d’un événement énorme. J’essaie donc de transformer ça comme une chance même si effectivement, et encore une fois je le comprends, ça peut faire des mécontents chez les clubs et les fans. Par contre, je suis persuadé que les joueuses, lorsqu’elles reviendront en Ligue Féminine, pourront montrer tous les progrès qu’elles pourront réaliser grâce au 3×3. Et je pense que, dans le futur, ça sera même un atout pour la LFB et les clubs.

 

Si, par exemple, une joueuse qui n’était pas dans les 8 se révèle durant la saison, pourrait-elle encore être sélectionnée ?

Dans le cas où on est qualifiés pour les Jeux (parce qu’il faut quand même rappeler qu’il y a encore un système de qualification à aller chercher pour faire les J. O.), moi je ne crois pas qu’une joueuse pourrait effectivement se révéler en dehors des 8. On s’est posé longuement pour pouvoir choisir ces 8 joueuses qui allaient être sélectionnées on pense sincèrement que si on se qualifie pour les Jeux, les 4 qui les disputeront seront parmi ces huit-là. Parce que les 8 vont bosser dans le 3×3 durant toute une année, que c’est aussi un choix partagé avec les joueuses et que je ne vois pas aller chercher une joueuse en dehors de ces huit-là pour faire les Jeux. Je ne pense pas que ça soit possible en termes de de développement technique et tactique. Si jamais on est qualifiés pour les Jeux, il y a donc de très très très fortes chances que les 4 Olympiennes soient dans les 8.

 

Un dernier mot pour terminer ?

Je voudrais effectivement ajouter un énorme MERCI aux fans de plus en plus nombreux à venir voir l’équipe de France jouer. On sent qu’il y a un engouement énorme autour de cette équipe. Ca fait vraiment chaud au cœur et ça nous permet tous les jours d’avancer pour essayer d’aller décrocher cette fameuse médaille à Paris.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Adsense